[La Presse] Voyage à cœur ouvert

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(Drummondville) Absent de la scène depuis la fin de tournée qui l’a amené un peu partout en Europe dans la foulée de l’enregistrement de son superbe album live Standing Under Bright Lights au Festival de jazz de Montréal en 2019, l’auteur-compositeur québécois Alex Henry Foster revient de loin. Confectionné alors qu’il était en rémission d’une opération à cœur ouvert, son nouveau projet Kimiyo est un bijou créatif et lumineux. Entretien avec l’électron libre de la musique québécoise.

En février 2023, Alex Henry Foster a été opéré d’urgence pour une double greffe de valves cardiaques. Une délicate intervention chirurgicale qui devait durer quatre heures, mais qui s’est étirée sur plus de dix heures. Le musicien aujourd’hui âgé de 47 ans aurait pu y laisser sa peau.

« Ils m’ont perdu un certain moment, j’ai donc dû subir de nombreuses transfusions sanguines, ce qui a fait en sorte que j’ai été victime de problèmes de micro-embolie au cerveau », nous raconte-t-il, bien vivant devant nous, depuis son église-studio de Drummondville. « J’étais plus capable de parler et j’ai perdu la mémoire sur beaucoup de trucs. Encore aujourd’hui, je suis encore en train de réapprendre certaines choses. »

Ajoutons à cela l’irritation des voies respiratoires causée par la dizaine de jours passés intubé aux soins intensifs, et Foster a mis près de quatre mois à pouvoir se mettre à parler normalement.

« Quand j’ai réalisé que m a récupération allait être pas mal plus longue que prévu, je me suis dit que ça pourrait être intéressant de travailler sur un projet qui allait me permettre de cultiver des sentiments positifs plutôt que de constamment broyer du noir. »

– Alex Henry Foster

L’artiste a donc mis la touche finale à des textes qu’il avait déjà en banque, un recueil de poésie écrit au Japon qu’il a décidé de confier à son amie Momoka Tobari, Japonaise qui s’est installée à Drummondville il y a une dizaine d’années pour venir justement travailler avec Foster à l’époque de Your Favorite Enemies – elle a notamment assuré la communication avec les nombreux fans nippons du groupe.

Le musicien a donc invité Momoka et Ben chez lui, dans le petit studio aménagé dans la véranda de sa maison installée dans les montagnes sauvages de la Virginie. « Je m’étais toujours dit que ce serait génial de collaborer avec elle sur un truc hors du contexte d’un groupe, nous confie-t-il. J’ai dit à Momoka de ne pas simplement faire une traduction littérale de mes écrits, je voulais qu’elle les interprète à sa façon, qu’elle puisse se les approprier. »

Le résultat, qui oscille entre le spoken word et le chant, met en lumière la superbe voix de l’artiste japonaise, qui met toute son émotion au service des pièces qui s’écoutent comme une bande sonore.

Parce que c’est ce dont il s’agit – la musique sera en effet accompagnée d’images au plus tard au printemps 2025. « On m’avait proposé de lancer le film en même temps que l’album, mais j’ai fini par choisir de décaler tout ça, je voulais que ce soit deux entités différentes, explique Alex Henry Foster. Comme le texte est en japonais, je savais très bien que la majorité des gens qui apprécient ma musique allaient devoir imaginer leur propre voyage. »

Néanmoins, le trio s’est laissé inspirer dans sa composition par les images filmées par Foster, qui avait déjà une bonne idée du séquençage du film à venir. Or, si l’auteur-compositeur avait des images en tête, son état de santé l’a forcé à s’appuyer plus que jamais sur ses collaborateurs pour la création musicale.

« J’allais toucher des notes, je suggérais les gammes, les enchaînements. Ben, qui est un talentueux multi-instrumentiste, a pris ça en main, et les chansons ont pris forme en fonction de comment je me sentais au fil de la journée, tout ça s’est fait très naturellement. »

– Alex Henry Foster

Alex Henry Foster est maintenant rétabli, si bien que les deux musiciens ont repris le travail avec leurs comparses avec l’objectif d’enregistrer un nouvel album avec les Long Shadows. D’ici là, le groupe passera l’été en Allemagne, où il jouera dans plusieurs festivals. Le groupe a bon espoir de jouer au Québec à l’automne.

DRUMMOND VINYL

Alex Henry Foster et ses amis produisent depuis plusieurs années leur propre matériel promotionnel – l’expérience sensorielle de Kimiyo peut même être bonifiée avec des encens, du thé noir japonais de même que d’autres objets créés dans l’atelier du groupe, à Drummondville. Or, depuis novembre, le groupe a ouvert sa propre usine de vinyles, Drummond Vinyl, qui peut produire jusqu’à deux disques à la minute. L’atelier, qui a nécessité un investissement de 1 million de dollars, est désormais le mieux équipé au Québec et son carnet de commandes est déjà bien plein. Ses deux travailleuses ont même été formées pendant trois semaines chez Third Man Pressing Plant, l’usine de Jack White à Detroit !

Pierre-Marc Durivage
2024年4月30日

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