Alors que les saisons changent

Chers frères, soeurs, amis et êtres chers,

J’espère que vous vous portez bien, que vous avez eu l’occasion de prendre une pause, ou du moins de ralentir la cadence durant la période estivale.

Comme vous le savez peut-être déjà, j’ai passé quelques semaines à Tanger où j’ai eu le bonheur de voir à l’installation d’un studio de composition au cœur de ma nouvelle demeure située à la porte de la Médina, quartier populaire foisonnant d’une énergie et d’une vie extraordinaires. Or, bien que j’ai été malade longtemps en raison d’un sévère épuisement lié à ma dernière tournée de festivals d’été en Europe, j’étais heureux de me retrouver dans cet endroit, dans le merveilleux chaos de la vieille ville. Ses bruits m’apaisent, son ciel bleu me fait rêvasser, le doux vent du large me porte et me réconforte… Il y avait longtemps que je ne m’étais permis de m’égarer, de me laisser porter sans véritable destination. Les dernières années ont été difficiles, elles ont laissé de profondes marques, tant physiques qu’émotionnelles et spirituelles. Il y a de grands instants de solitudes, de profonds abysses liés à la douleur de l’âme que l’on ressent, et ce, peu importe le nombre de gens qui nous entourent. Nous sommes tous porteurs d’une singulière part d’ombre, et la mienne fait partie de la fibre même de mes sentiments. Cependant, elle ne m’empêche plus de rire ou de sourire, comme ce fut le cas pendant de si nombreuses années… La vie, comme la mort qui la contemple, est à l’image de Tanger ; entre mer et désert, faite de paradoxes, de visions, de mirages. Elle donne et reprend aussi, elle bouscule et guérit, ébranle et saisit, et tout cela me sied bien…

Ces derniers mois ont été d’un violent affranchissement pour moi. Ils ont été porteurs d’insécurité et de déstabilisation, ce qui, pour moi, se sera avéré incroyablement libérateur et qui, pour d’autres, aura permis de s’inspirer ou du moins de définir leur propre élan. Parmi ces derniers est notre soeur et amie Juliette, qui aura partagé mon quotidien, tout comme ses joies, ses peines, ses coups de grisailles et d’éblouissantes lumières pendant plus de 15 ans. De la voir désireuse de vivre sa propre aventure, d’en définir les aubes et les horizons, me rend à la fois incroyablement fier d’avoir constaté la magnifique transformation de cette jeune fille qui nous arriva du Nord de la France timide, à peine audible et visible, à celle de la femme affirmée et déterminée qui quitta Tanger il y a quelques jours à peine. Je suis également un peu triste à l’idée de ne pouvoir partager nos flamboyants coups de gueules et l’unique complicité de notre improbable amitié de la façon dont nous la vivions… C’est une grande transformation, soit, mais une qui en est superbement grisante et inspirante, raison pour laquelle je suis si heureux de la voir déployer ses ailes, sachant qu’elles la porteront toujours un peu plus haut, un peu plus loin et que la technologie moderne me gardera aux premières loges des différentes étapes que seront les siennes… Cela me réconforte.

Cette transition existentielle qu’effectue présentement Juliette marque un peu la fin d’une époque, ou à tout le moins d’une période qui fut importante, voire à la fois significative et formative pour moi. Or, bien que je sois souvent perdu en chemin, ma vision n’en a jamais été affectée, ni sa source tarie. C’est une grande histoire humaine… Et suivant mon opération cardiaque et l’expérience de mort imminente que cela engendra, j’ai grandement changé, ou peut-être que je commence simplement à assumer la nature de l’évolution de la personne que je suis devenu à travers les dernières années, comme une affirmation d’être, d’exister sans filtre. Cet état assumé façonna les nombreuses décisions qui ont pris place par la suite ; mon besoin de focuser sur mon art, de me livrer à mes divers projets créatifs sans être distrait par les éternels échos constituant mon environnement communautaire ont mené à l’ajout de mon équipe de management. Mon désir de communion personnelle et de partage collectif m’a fait revenir à l’essentielle fondation de notre relation, qui pour moi est de vous écrire sans intermédiaire, de communiquer à travers le langage du coeur qui est notre…

Or, comme il devient de plus en plus ardu pour moi de pouvoir répondre à chacun de vos messages, de vos mots, de vos commentaires aussi rapidement que je le voudrais, j’aimerais faire de nos communautés digitales des vecteurs de moments live, que nous puissions nous entendre rire ou pleurer, que nous puissions ressentir l’aspect humain de nos échanges. Cela me manque énormément et je crois que, plus l’état du monde se cloisonne, se radicalise et se referme sur lui-même, plus la nécessité de se retrouver, de s’ouvrir et de découvrir se fait ressentir. Du moins pour moi, c’est le cas. Alors l’idée de tenir des instants impromptus, dérobés du tumulte de nos vies, me rend particulièrement fébrile, particulièrement connaissant la richesse avec laquelle nos rencontres se définissent toujours un peu plus.

Par ailleurs, en compagnie de mon fidèle ami et complice Max, vous me verrez être plus présent sur le groupe des Ultras également, soit par la diffusion de courtes vidéos ou de petits textes capturés au fil de mes voyages, de mes états d’âmes et autres élans du moment… De belles choses sont présentement en préparation et, comme j’ai mentionné à Juliette avant son départ de Tanger, il n’y a que vivre la vie qui crée la singularité de celle que l’on mème… Alors, à la vie qui crée la vie.

Merci de faire partie de mon aventure et pour la place de choix que vous m’accordez dans la vôtre, cela veut dire beaucoup pour moi.

Affection,
Votre frère et ami