Une renaissance du coeur
Je suis présentement dans l’éblouissante ville de Tanger, dans un café de type coop opéré par la communauté, situé dans les murs des fortifications de l’ancienne médina, un espace calme et propice à la méditation, à quelques pas seulement de ma nouvelle demeure, un riad traditionnel marocain tout près du coeur de la ville qu’est le Grand Socco. Je suis ici depuis plus de 2 semaines déjà, mais c’est le tout premier moment de tranquillité que j’ai depuis les quelques derniers mois… La transition n’a pas été aussi facile que je l’aurais imaginé. Ce n’est jamais simple pour moi, et c’est encore plus complexe de naviguer les différents étages de ma vie depuis ma chirurgie cardiaque. Le corps est plus entêté qu’il ne l’était, et je me retrouve souvent submergé par le chaos inspirant dont j’aime pourtant faire partie… De fait, ce n’est pas une surprise que j’aie été gravement malade les 5 premiers jours suivant mon arrivée au Maroc. J’étais tellement épuisé après la fin de l’été que mon système immunitaire a fait défaut, j’ai perdu beaucoup de poids très vite, et les gens autour de moi se sont inquiétés d’une possible hospitalisation — Dieu merci, ce ne fut pas nécessaire. J’ai appris à décoder ma nouvelle réalité physique et les conditions qui y sont liées de façon que je savais que je referais surface lorsque j’aurais retrouvé mon équilibre. L’aspect émotionnel de ma “renaissance” est encore grandement énigmatique pour moi, mais j’imagine qu’il est encore plus déroutant pour ceux qui m’entourent. Tout le monde doit naviguer les eaux troubles dans lesquelles mes esprits se perdent lorsqu’ils veulent avoir accès à moi… Ce n’est pas facile.
Être de retour à Tanger ramène à la surface beaucoup de souvenirs, certains joyeux, certains douloureux. Ils sont la réflexion de l’évolution dont j’ai fait preuve depuis ma première fois ici, en 2016. Je ne crois pas en l’aspect transformateur du temps qui passe et nous dépasse, mais je crois plutôt que c’est la somme de nos décisions et de la volonté que nous avons à faire face au courant de notre vie qui crée les ondes avec lesquelles nous devons composer d’une façon ou d’une autre. Je ne me suis jamais considéré comme une victime de mes circonstances ; il faut jouer avec les cartes que nous avons en main, peu importe si elles semblent justes ou non. C’est ce que mon grand-père paternel me répétait sans cesse lorsque j’étais enfant (il était un passionné de poker). « Joue au-delà de tes cartes, Alex, et tu surpasseras les joueurs autour de toi. » Je ne comprenais évidemment pas les messages et les leçons de vie impliqués dans ce que je croyais être des formulations philosophiques de la part d’un ivrogne. Je ne suis pas certain du niveau de compréhension que j’en ai maintenant que je suis ma propre personne, mais en quelque sorte, ça fait du sens, probablement encore plus maintenant que je suis passé près de lancer mon ancre à la lisière du temps lui-même. Comme Ginsberg l’a si bien écrit, « il n’est jamais facile de transporter ce qui semble être un poids plus lourd avec chaque lever du jour ». C’est toutefois une décision de la faire — ou pas.
Être de retour à Tanger ramène à la surface beaucoup de souvenirs, certains joyeux, certains douloureux. Ils sont la réflexion de l’évolution dont j’ai fait preuve depuis ma première fois ici, en 2016. Je ne crois pas en l’aspect transformateur du temps qui passe et nous dépasse, mais je crois plutôt que c’est la somme de nos décisions et de la volonté que nous avons à faire face au courant de notre vie qui crée les ondes avec lesquelles nous devons composer d’une façon ou d’une autre. Je ne me suis jamais considéré comme une victime de mes circonstances ; il faut jouer avec les cartes que nous avons en main, peu importe si elles semblent justes ou non. C’est ce que mon grand-père paternel me répétait sans cesse lorsque j’étais enfant (il était un passionné de poker). « Joue au-delà de tes cartes, Alex, et tu surpasseras les joueurs autour de toi. » Je ne comprenais évidemment pas les messages et les leçons de vie impliqués dans ce que je croyais être des formulations philosophiques de la part d’un ivrogne. Je ne suis pas certain du niveau de compréhension que j’en ai maintenant que je suis ma propre personne, mais en quelque sorte, ça fait du sens, probablement encore plus maintenant que je suis passé près de lancer mon ancre à la lisière du temps lui-même. Comme Ginsberg l’a si bien écrit, « il n’est jamais facile de transporter ce qui semble être un poids plus lourd avec chaque lever du jour ». C’est toutefois une décision de la faire — ou pas.
Images lors de mon premier passage à Tanger, en 2016.
Un pas de foi
Il y avait un nombre important de gens inquiets pour ma santé lorsque j’ai décidé, en début d’année, de faire une tournée estivale. J’étais encore à chercher la parfaite posologie pour mes médicaments, ma rémission ne se passait pas si bien, j’étais au bord d’un breakdown émotionnel suite à la perte de mon chien MacKaye quelques semaines auparavant, les sessions studio avec Mikko se sont avérées une réelle catastrophe… Je me sentais véritablement isolé dans le brouillard de mon esprit, très épais, étrangement déroutant bien que réconfortant, une solitude introvertie, comme si j’étais physiquement présent sans être impliqué émotionnellement. J’imagine que c’est pourquoi, au plus profond de moi-même, je savais que j’avais besoin de retourner sur la route, pour réfuter mes doutes, adresser mes insécurités, et conquérir mes peurs paralysantes. C’était un risque majeur pour moi de poursuivre cette idée, et les soucis de santé étaient la moindre de mes préoccupations. Si j’avais dû échouer et ne pas réussir à véritablement me perdre dans le laisser-aller transcendant qu’est le but de ma musique, ou être incapable de ressentir la dimension spirituelle de la nature communautaire qu’implique monter sur scène, ça aurait marqué la fin pour moi. J’y étais prêt, j’étais disposé à jouer mes cartes, à déjouer mes limites évidentes et les angoissantes anxiétés qui viennent avec. Bien que les cartes n’étaient pas celles que j’avais espérées, je n’étais pas prêt à me retirer ; on perd chaque tour où l’on n’a pas le courage de jouer. Mais la vie, contrairement aux cartes, ne peut être esquivée. À tout le moins, pas dans mon cas. Je devais savoir, et ce, le plus rapidement possible.
Revenir sur scène si tôt après ma chirurgie n’était pas sans risque, mais de savoir que la tournée allait débuter au festival Orange Blossom Special, où j’ai trouvé une communauté et une famille, était la meilleure avenue pour moi. J’étais terrifié, nerveux comme je ne l’ai jamais été auparavant. Mon corps tremblait, ma tête était comme une machine flipper brisée, avec ses lumières qui clignotent sans arrêt et ses sons agressants en même temps. Je ne me souviens pas de grand chose, si ce n’est d’avoir été très ému à la vue des gens qui pleuraient dans la foule… Ça a été très difficile pour moi de garder mes émotions sous contrôle. Au lieu de tenir prise, j’ai sauté dans la foule et j’ai fait du body-surfing. C’était extrêmement dangereux, comme ma poitrine n’est pas encore complètement guérie après avoir été ouverte, mais j’en avais tellement besoin. J’avais besoin de me redonner à ceux qui m’ont gardé en vie à travers leurs messages, lettres, cartes postales, prières et pensées. Je n’ai pas du tout pris en considération le danger d’un tel abandon. C’est en fait mes managers, après avoir vu les images en ligne, qui me l’ont signalé, une intervention pleine de soin et d’amour qui m’a sans équivoque rapproché d’eux, car je savais qu’ils comprenaient mon besoin de m’abandonner. Faite avec une mesure d’affection que j’ai rarement rencontrée par le passé, ils m’ont offert la même bienveillance que j’ai reçue alors que je flottais à la surface d’un océan humain, les mains de tous et chacun me maintenant aussi haut que possible. Pour certains, cela a pu paraître comme si j’essayais d’en faire trop, mais pas pour ceux qui connaissaient la véritable nature de mon coeur comme la communauté OBS la connaît. Personne, pas même les membres de mon groupe, n’a eu la moindre idée que je me sentais trop faible pour même sortir du lit ce matin-là, que j’étais inquiet que ce soit ma dernière apparition sur scène. Et malgré ma pression artérielle dangereusement basse, je savais que je serais OK. Et je l’ai été. J’ai passé la majeure partie de la journée à discuter avec des amis ensuite. C’était bel et bien ce qui m’avait manqué le plus psychologiquement ; les câlins, les rires, les sourires, les partages, les discussions… Me retrouver parmi les miens.
Photos prises lors du concert au festival OBS pendant la tournée Ascending in Bright Lights.
Le reste de l’été s’est déroulé dans une succession de quelques bons jours et de plusieurs jours moins bons, pour diverses raisons. Être dans un groupe, même si je suis considéré comme un artiste solo, n’est pas toujours évident. Du moins, pour moi, ce ne l’est pas. C’est aussi engageant personnellement que c’est exigeant professionnellement. Il n’y a plus de place pour les figurants. Nous avons eu des arguments interminables avec un des musiciens au début de la tournée, à un point tel que j’ai dû faire appel à mes managers pour remettre les choses en ordre, à la stupéfaction de tous. Bien que ça ait aidé la situation entre nous, c’était toutefois humiliant pour moi ne serait-ce que d’en parler ; nous ne sommes plus des enfants ! Je trouvais qu’il était tellement égoïste et ingrat d’avoir à me battre contre l’incapacité de quelqu’un d’autre à se gérer alors que je luttais quotidiennement contre la perspective d’annuler la tournée à cause de ma santé encore trop fragile. J’ai dû accepter que des changements allaient être nécessaires dans un avenir rapproché si je voulais continuer. Nous avions un local de répétition loué pour tout l’été, mais je n’y suis probablement allé que 5 fois en tout ; je ne supportais ni la résistance constante ni les conflits internes. Étonnamment, en écoutant mes besoins, j’ai trouvé une certaine paix intérieure, un repos qui était nécessaire dans mon âme, dans une mesure qui a été suffisante pour apprécier chaque concert, qui, de par leur nature, étaient voués à reconstruire ma forme physique et ma clarté émotionnelle brique par brique. Et j’ai profité de chaque moment par la suite. J’étais épuisé, mais ma confiance compensait largement les inquiétudes de santé que j’avais en cours de route. Encore une fois, rencontrer les miens était comme un boost de guérison qui me stimulait à chaque concert. Je n’avais rien à faire des détails d’exécution que j’essayais encore de maitriser, ni des obstacles techniques auxquels je devais constamment faire face… C’était comme être dans une immense étendue d’eau, entouré de mes amis. J’ai pu oublier que je n’avais jamais appris à nager et je me suis senti en sécurité. J’étais intrinsèquement dans le moment. Je faisais partie de la tribu et nous étions tous portés par les vagues créées par notre connexion unique. J’étais accueilli et je me sentais reçu, dans la même mesure que j’accueillais les autres et les recevais tels qu’ils étaient. C’est ce que la musique représente pour moi ; une sensation invisible qui erre librement, qui nous touche, nous émeut, ou même nous transforme si on y est disposé. Et je l’étais ! Concert après concert, je devenais un peu plus émancipé de mon besoin de contrôle à chaque saut que je faisais dans l’eau, et ces instants ont été libérateurs pour moi.
Quelques photos prises après les concerts de la tournée Ascending In Bright Lights
En fait, c’est pour ça que le dernier concert à Cologne a été si significatif émotionnellement pour moi. C’est étrange parce que quand j’ai commencé à élaborer les différents éléments de ce qui allait être ma tournée estivale, intitulée à l’avance Ascending In Bright Lights en février, j’ai insisté pour ajouter un concert gratuit pour conclure notre voyage avec toute la gratitude que j’avais peine à exprimer en mots. Je me suis dit que si j’atteignais la ligne d’arrivée de cette étape extrêmement significative, ce serait un pas des plus conséquents en direction de la saison la plus lumineuse de ma vie. Et c’était donc essentiel pour moi de célébrer cette nouvelle perspective pleine d’espoir avec ceux qui étaient disponibles pour la rendre aussi unique que je l’avais envisagée plusieurs mois auparavant. Même mes managers, qui sont si sensibles et tellement engagés face à ma rémission, ont organisé leurs vacances familiales pour pouvoir faire partie de cette éventuelle célébration. Tout ça pendant que, de manière très secrète, des amis de partout à travers l’Allemagne se soutenaient mutuellement pour organiser du covoiturage, partager des logements, et aider financièrement ceux qui ne pouvaient pas se permettre une telle réunion. Non seulement ça, mais des personnes d’Autriche, de Belgique, du Canada, d’Angleterre, de France, du Japon, d’Islande, des Pays-Bas, de Pologne, d’Espagne, des États-Unis ont également investi leur argent durement gagné pour se joindre à moi pour cette occasion spéciale. Sans oublier ceux d’Iran, de Norvège et de Suisse qui sont venus à l’un ou l’autre des concerts durant l’été. C’est juste incroyable ! Imaginez ma réaction lorsque j’ai gravi les escaliers des coulisses à Die Kantine et que j’ai vu la salle pleine de mes amis, de mes frères, de mes soeurs… Je n’en revenais pas !!! Je n’étais tellement pas prêt à quelque chose du genre qu’il m’a fallu quelques minutes pour réaliser ce qui se passait véritablement. Même l’appel collectif fort et bruyant qui avait lieu avant que je ne monte sur scène n’avait pas pu me préparer à voir autant de visages familiers, tous rayonnants de leurs lumières et de leurs couleurs les plus magnifiques, rassemblés pour célébrer la vie. J’étais tellement sous le choc que lorsque le groupe a commencé à jouer, je suis allé devant mon ampli pour ajouter mon feedback sans me rendre compte que ma guitare n’était même pas branchée…! C’est Felix, notre incroyable stage manager, qui a remarqué la situation. Il a simplement mis sa main réconfortante sur mon épaule, branché mon câble et a dit : « Profite-en ! C’est une célébration en famille ce soir ! » Ce geste m’a réactivé, en quelque sorte. C’est difficile d’exprimer combien de moments de type « Quoi ?! », « Pas vrai !!! », « Impossible ! », « Je n’arrive pas à y croire » j’ai eu ce soir-là en voyant autant de visages familiers lorsque je suis allé dans la foule pour remercier et saluer tout le monde. C’était absolument incroyable ! Pas étonnant qu’on ait joué pendant presque 3 heures. L’énergie partagée n’était pas seulement électrique, elle m’a galvanisé.
Produits de la science moderne
Pourtant, bien que le concert ait été phénoménal, rien de moins, pour moi, la plus belle partie de la soirée est venue quelques instants après le concert en tant que tel, lorsque j’ai enfin pu rejoindre les miens comme j’aime le faire après chaque spectacle. Encore une fois, il n’y avait pas de pénurie de câlins, de baisers, de rires, de sourires, de conversations drôles et profondes, de photos, de signatures, suivis d’autres câlins, rires et sourires. J’ai passé environ 4 heures dans la salle à tenter de rencontrer autant d’amis que possible, ce qui n’est pas un petit défi pour moi. C’est quelque chose qui, malgré mes meilleures intentions et mes tentatives minutieuses, devient de plus en plus difficile à faire. Ça représente toujours ma plus grande déception soir après soir. Je crois que c’est tout aussi significatif pour moi que pour beaucoup d’autres de prolonger nos interactions communes au-delà de la musique. Ça se termine souvent dans le parking après avoir été gentiment invité à quitter par le personnel des salles qui souhaite partir après plusieurs heures de patience envers nous. Les gens qui m’entourent se demandent toujours combien de temps je vais encore pouvoir faire ça… Aussi longtemps que je le pourrai, je suppose. D’ici là, je suis extrêmement reconnaissant que les gens comprennent que chaque minute partagée est un cadeau commun et que nous devons les valoriser pour les bénédictions qu’ils sont. Et après 4 heures (ce qui représente le record ultime pour un after-show dans mon cas), j’étais tellement épuisé que j’étais à peine capable de tenir debout. J’ai fait mes adieux à ceux qui avaient été assez patients pour encore être sur place, et je suis retourné dans la Green Room, où la célébration était loin d’être terminée ! Marcus, le promoteur et un ami qui m’est maintenant très cher chez qui nous avons eu le privilège de passer l’été, m’attendait pour ouvrir une bouteille de champagne, un geste très bienveillant de la part d’un homme d’exception qui, à 74 ans, était encore tout sourire après être arrivé à la salle tôt le matin pour s’occuper de nos nombreuses particularités techniques. C’était un moment des plus émouvants. Comme il a combattu le cancer au même moment où j’ai eu besoin de ma double greffe cardiaque l’année précédente, il savait ce que cela signifiait pour moi, mes amis, ma famille et ma communauté, d’être dans cette pièce à ce moment précis. Certains miracles sont plus évidents que d’autres… Marcus et moi étions exactement cela ; des produits de la science médicale moderne, mais aussi, et surtout, de notre résilience à toujours ajouter une journée de plus à nos vies déjà si riches et abondantes. Il y a définitivement plus dans la vie que le bruit que nous faisons en définissant ce voyage qui nous est propre, et trouver certains de ces éléments est le plus grand accomplissement de tous… Du moins, pour moi, c’est désormais le cas. J’espère que vous n’aurez pas à faire face à la mort comme j’ai dû le faire afin de le réaliser.
Chez Marcus avec les membres du groupe et l’équipe.
Êtres éphémères
Avec le dimanche est venu le moment de ranger nos affaires et de préparer le matériel avant de quitter plus tard dans la nuit. Je déteste les départs, presque autant que je déteste les transitions désorganisées. Nous éprouvions tous plusieurs sensations en même temps ; l’euphorie du dernier concert flottait encore dans l’air et était amplifiée par la joie d’un dîner à venir avec nos managers. Je savais que nous les avions rendus fiers, et j’étais aussi rassuré quant à ma capacité à vivre librement dans l’essence invisible de l’univers créatif que je cherche toujours à explorer en tant qu’artiste. En même temps, j’étais aussi profondément attristé de quitter Marcus et sa famille, déçu de ne pas avoir eu le temps ni l’énergie d’explorer les villes où j’étais de passage, accablé de ne pas avoir pu prolonger mon passage européen un peu plus pour profiter de la présence de gens chers qui vont énormément me manquer. Oui, je déteste les départs, mais ils sont une partie intégrante de ma vie depuis aussi longtemps que je me souvienne. J’ai un souvenir vif de moi étant enfant qui demandait à mon père pourquoi nous devions déménager si souvent. « Nous sommes des êtres éphémères, Alex. Ne t’enracine nulle part et tu auras ainsi la capacité d’aller où tu veux, quand tu veux. » Des mots poétiques visant à recouvrir le besoin de déménager d’un endroit à un autre en raison de la précarité de notre réalité financière familiale. La réponse de mon père allait au final me rendre riche en aventures de toutes sortes, mais aussi me faire désirer des éléments affectifs primaires. Je déteste partir, mais je n’ai jamais l’intention de rester trop longtemps où que ce soit… Un véritable paradoxe. Je suppose que c’est un peu ça aussi, l’ironie de poursuivre sans fin les inspirants fantômes de mon inspiration à travers l’insaisissabilité de mes propres échecs, ou c’est peut-être le refus de céder à ce que je définis comme une conformité stérile. Peut-être encore que c’est simplement essayer d’éviter ce que je considère comme se flétrissant lentement, ce qui pour moi représente la peste et la détérioration de l’imaginaire. Allez savoir… Nous sommes tous faits d’une part de prétention et d’une part de déni, mais c’est ce que nous faisons avec ces deux dimensions qui définit qui nous sommes et ce que nous apportons aux autres, je suppose… Qui sait ? Bon, je perds le fil et je divague en ce moment. Vous voyez ? Les départs m’affectent à ce point !
Après le dîner avec nos managers devenus membres de la famille.
Montréal & Leonard sans MacKaye
Aller à Montréal pour 2 jours était une nécessité transitoire pour moi avant de partir pour Tanger. Défaire et refaire les valises… Ça pourrait être le titre très non-glamour de ma future biographie ! Ou peut-être « Il aurait voulu rester, mais n’avait jamais planifié le faire ». Peu importe…! J’étais ravi de retrouver mon chien Leonard, qui manifestement n’était pas aussi heureux de me voir que je l’étais. Je ne peux pas lui en vouloir ; nos vies ont été définitivement bouleversées depuis le décès de MacKaye. Il a perdu son meilleur ami, n’est plus jamais revenu chez lui, et je suis parti peu de temps après. Tout pour la stabilité émotionnelle… Heureusement, Leonard a toujours été capable de s’adapter à n’importe quelle situation à laquelle il était soudainement confronté. MacKaye, lui, ne l’était pas… Mes longues absences successives sont probablement ce qui l’a rendu malade en premier lieu. Je n’ai pas encore surmonté ma profonde culpabilité à ce sujet, et il est difficile pour moi de regarder Leo sans penser à Mac, ce qui rend la situation encore plus douloureuse pour nous deux. J’étais toutefois rassuré de voir que Leo gérait la situation beaucoup mieux que moi, et comme il reste avec Momoka, qu’il a toujours aimée, elle est rapidement devenue sa force stabilisatrice, ce qui est aussi un grand réconfort pour moi. Bien que je ne m’ennuie d’aucun aspect de ma vie relié au QG de Montréal, c’était douloureux pour moi de tourner le dos à Leo presque aussitôt après mon arrivée. Au moins, il y avait un côté positif dans le fait que nous pouvions passer des moments significatifs ensemble avant que je ne le laisse encore une fois derrière moi. J’aimerais pouvoir l’emmener avec moi à Tanger, mais il ne possède pas cette âme aventurière et vagabonde, et ce serait égoïste de ma part de lui imposer mon mode de vie. Pas moins difficile pour autant.
Avec Leonard au retour au QG.
La Perle du détroit
Direction Tanger pour 6 semaines… Un plan qui inclut 2 semaines pour participer aux activités de notre hôtel, La Maison de Tanger, avec Jeff et Miss Isabel (vous devriez lire le texte incroyable de Jeff à ce sujet) avant de consacrer 4 semaines supplémentaires avec Ben, Sef et Stephanie qui allaient nous rejoindre pour des sessions de studio et d’écriture. Ça devrait être une expérience très intéressante, parce qu’établir un home studio au Maroc n’est pas une tâche facile. Nous avons dû apporter énormément de matériel à cet effet. Tout le quartier était étonné (et curieux) de voir nos road cases transportées à travers la médina bondée sur une vieille charrette et d’autres assemblages à roulettes. C’était hilarant ! Je ne pense pas que les Rolling Stones aient eu autant de matériel en 1967 lorsqu’ils ont rejoint Brian Jones, qui vivait alors à Tanger, ni lorsqu’ils sont revenus enregistrer Continental Drift avec The Master Musicians of Jajouka et Bachir Attar en 1989 pour l’album Steel Wheel (un album que je n’ai pas particulièrement aimé). Ça va être intéressant de voir si nous allons réussir à toucher quelque chose dont nous ne sommes même pas passé proche durant la période prolongée que nous avons passée dans notre incroyable studio-église avec Mikko vers la fin du mois de février… Preuve qu’on a beau avoir le matériel le plus incroyable au monde, ça n’a rien à voir avec la mesure de cœur et d’âme dont les créations sont imbuées au final. Nous allons découvrir assez rapidement si les différentes guitares, nos footboards respectifs, les keyboards, les instruments à vent et la batterie électronique accompagnés d’une interface informatique basique sauront guider notre créativité personnelle et collective afin de surmonter les besoins techniques habituellement haut de gamme que nous avons. Le retour aux fondations est toujours la clé pour trouver les indices nécessaires qui vont pointer vers une nouvelle découverte ou une redécouverte potentielle. Nous devrions savoir où nous allons assez vite ! Et c’est vraiment inspirant. Je devrais publier des photos et des vidéos sous peu.
Avec Ben, Isabel, Jeff, and Sef à Tangier.
D’ici à ce que j’annonce davantage de nouvelles concernant tout ce qui se prépare pour moi, je voulais vous remercier une fois de plus pour avoir partagé avec moi un été que je considère non seulement incomparable, mais qui m’a déjà offert la confiance nécessaire pour continuer, la détermination à travailler consciencieusement sur ma récupération, et la conviction croissante que ce que j’ai le privilège de cultiver de l’intérieur de moi a de l’importance. De ce fait, il était important pour moi de vous inviter au cœur de ce qui a été un voyage émotionnel plutôt intense. Mon texte étant assez long, je me suis rendu compte que je n’avais pas publié beaucoup de textes intimes de ce genre depuis ce qui semble une éternité déjà. Bien que j’aie beaucoup de choses à partager avec toi, je constate que, parfois, je n’ai tout simplement pas la capacité de mettre mes pensées en ordre. Cela m’a empêché d’écrire pendant un certain temps, mais ça va mieux de jour en jour. Vous pouvez donc vous attendre à des écrits plus réguliers à partir de maintenant. Et avec la sortie de mon album méditatif « A Measure of Shape and Sounds », suivie de ma toute première tournée solo aux États-Unis en ouverture pour Temples, il est clair que je ne suis pas à court de sujets sur lesquels réfléchir ! La vie, la vie, la vie. Maintenant, maintenant, maintenant !!!
N’hésitez pas à m’écrire, c’est toujours une véritable bénédiction d’apprendre à vous connaître à travers vos messages et commentaires.
Avec amour,
Votre frère et ami
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