The Sound of LiteBrite

Sur une note plutôt intéressante, ou plutôt drôle, la chanson « Up Til Dawn » est principalement à propos de la nature du temps et de la peur grandissante que nous en avons alors que nous vieillissons, alors que nous allons plus en profondeur et plus loin dans notre effort conscient à défier la fatalité, en elle-même impermanente et impartiale. Certains reçoivent des injections au botox, d’autres tentent de défier l’impermanence de quelconque manière possible, mais pour moi, ça n’a rien à voir avec le fait de vieillir, avec la mort ou même l’endroit où je pourrais me retrouver après la mort… C’est à propos des routes illuminées qui définissent mon existence, comme un jeu vraiment ancien appelé « LiteBrite » auquel mon cousin jouait sans arrêt quand nous étions enfants.

Le jeu LiteBrite permet à l’artiste de créer une image illuminée en insérant des petites touches de plastiques transparentes et de couleurs multiples, à travers un papier noir opaque. Une simple ampoule de format standard sert à illuminer le tout, et donc la lumière est ainsi bloquée par le papier noir, à l’exception des endroits où les touches conduisent la lumière. Lorsqu’illuminées, les touches ont une apparence semblable à celle de lumières LEDs.

L’aspect le plus incroyable du jeu était que si tu n’insérais pas la bonne couleur translucide sur la toile éteinte, tout le truc était ruiné une fois la lumière allumée, et c’est quelque chose à quoi je réfléchissais énormément avant ma greffe cardiaque. Si c’est la fin, quelle aurait été l’image représentant mon existence ? Combien de touches de mauvaise couleur s’y retrouveraient ? Est-ce que ça ferait du sens ? Est-ce que ça serait coloré ? Est-ce que ça serait unique ? Est-ce que ça serait une de ces images de navire que tu serais enragé de voir une fois les touches illuminées ? Est-ce que ce serait quelque chose de significatif (et lorsque je dis significatif, je veux dire vrai et honnête, sans prétention et facticité) ?
Bien évidemment, je ne verrais pas l’image puisque je serai décédé ; je suis abîmé, mais pas à ce point stupide. Mais ça a grandement occupé mes pensées, devant faire face à la potentielle éventualité de ne pas passer à travers. Les réflexions qui s’ensuivirent dès l’instant où j’ai ouvert mes yeux furent complètement différentes, bien que mon cerveau m’ait dit que j’avais vu toutes sortes de lumières tout au long de ma longue période d’inconscience. “Quelle est la suite ?” me demandais-je, “Dans quel type de design pourrais-je désormais faire évoluer ma vie antérieure ?” Ces nouvelles réflexions sont porteuses d’une perspective complètement différente des précédentes, elles sont plus engageantes, ou plus conscientes, d’une certaine façon, comme si j’étais indifférent face au fait d’insérer la bonne pièce de plastique translucide sur le papier opaque de ma propre toile illuminée en construction. C’est de faire des trous sans hésitation, sans la peur de bousiller une potentielle fin parfaite. Autrement, ce n’est pas vivre, c’est d’avoir ta vie dictée par une image pré-tracée, c’est le statu quo une fois de plus. Et si mon tableau avait été complètement recouvert de touches dépareillées, ça aurait été une vie qui aurait valu la peine d’être vécue, j’imagine… Ou du moins qui aurait été vécue librement, avec un mouvement continu conséquent…

J’espère que vous avez saisi l’analogie, comme ce n’était pas si clair pour les membres de mon groupe lorsque j’ai abordé l’image du LiteBrite en session d’écriture aujourd’hui. Même Ben n’avait pas idée de ce dont je parlais, alors j’ai dû aller trop en profondeur dans la dimension métaphorique de mon explication à propos d’un début d’album et sa signification.

Moi : “C’est simple les gars, le début est quelque chose que nous créons avec soin jusqu’à ce que ça devienne un ensemble de lumières en bataille. C’est le flot émotionnel sur lequel je souhaite aborder. Vous savez ce que je veux dire…”
Tous les autres : “Non, je n’ai aucune idée de ce dont tu fais référence en ce moment.”
Moi : “LiteBrite, les gars… LITEBRITE !!!”