Visite du studio

Ben m’a ensuite invité à le rejoindre pour faire une visite du studio peu de temps avant le dîner de 19h. Je n’ai pas répondu immédiatement, je devais saisir le moment. Cela peut paraître bizarre à lire, mais quand « c’est parti », c’est à fond à tous les niveaux pour moi. Je ne peux faire semblant, tout comme je ne souhaite jamais devenir cette façade souriante et fausse comme je l’ai été pendant près de 10 ans en tant que figure de proue pour Your Favorite Enemies. Ça se doit d’être vrai et honnête, autrement, ce sera un désastre total, une réalité que je connais beaucoup trop bien pour même tenter et prétendre que les résultantes en seront autrement maintenant… ça ne sera pas le cas. Peu de temps avant 22h, j’étais prêt à y aller, excité même, pour découvrir ce que j’allais réaliser qui furent des semaines de travail consacré et dévoué.

Ce fut avec les yeux bandés que j’ai fait mon entrée dans la salle de contrôle et j’ai été atterré lorsque j’ai vu ce qu’ils avaient fait. J’étais presqu’incapable de contenir mes larmes. Ce n’était pas un renouveau non-nécessaire ; ce fut repeint, décoré et de manière plus importante, l’endroit nous invite maintenant à le réinventer sans le stigma de notre passé commun. C’était très impressionnant, tous les détails et le soin, tout l’amour impliqué… Je ne suis pas facilement impressionné, mais j’étais incroyablement touché par tout ça. Il y a même un espace pour Leonard qui fut pensé, tout ça sans enlever les nombreux éléments que j’avais l’habitude de partager avec MacKaye, qu’importe à quel point le moment que j’ai passé à cet endroit fut bref. Ce n’était pas une sorte de commémoration enveloppée dans de nouveaux habits et rubans… J’ai ma part d’illusions et de faux-semblants pour le savoir. Ce à quoi j’étais invité à prendre part est la vie.. Un renouveau.

Ils ont continué de me faire parcourir les lieux avec les yeux bandés, le deuxième arrêt étant notre espace de pratique/enregistrement en direct, au centre de l’église, où tout mon matériel de musique avait été assemblé et un espace d’écriture avait été préparé avec attention. Après m’avoir rappelé les nombreuses occasions durant lesquelles j’avais mentionné qu’il nous était nécessaire d’avoir une proximité physique afin d’être en mesure de créer en tant que tout, mais également que les technicalités de studio ne devrait pas être un obstacle à la spontanéité de notre abandon et lâcher prise collectif, c’était touchant de voir toute l’attention apportée dans tous les détails perceptibles. Ce n’était pas simplement que des objets bien alignés, mais une ode à une intimité artistique à venir. D’être en mesure de créer ce sentiment de forte proximité en plein cœur de ce qui pourrait être comparé à une salle de spectacle de 1200 sièges n’est pas une simple affaire. Ça implique un véritable désir de le faire, un sincère engagement à la philosophie qu’une telle idée incarne. Ne faire qu’un… quelque chose que nous avons rarement été en mesure d’expérimenter autre part qu’en concert. Ce qui se trouvait devant moi était une puissante confession de la détermination nécessaire d’être un ensemble au-delà de l’évidence physique sous-jacente au concept d’alignement avec les autres membres du groupe afin d’être synchronisés, quelque chose à propos de quoi je ne pourrais être plus indifférent. Pour moi, c’est à propos de l’élévation, toujours… et je pouvais le ressentir sans qu’aucune note ne soit jouée.

La dernière transition avec les yeux bandés a pris place dans ce que nous appelons nos loges, situées derrière l’immense scène que nous occupons seulement lorsque nous nous préparons pour une tournée à venir. Cette pièce était anciennement affectée au multimédia avant que nous transférions tout au presbytère adjacent à l’église après que j’aie décidé de consacrer toute l’église à la musique. Nous n’avons jamais véritablement pris le temps ni souhaité investir des ressources dans la restauration de l’endroit, alors j’ai été plutôt choqué lorsque j’ai ouvert mes yeux ; une longue table à dîner, un coin salon, une station de café. C’était une reconversion entière, organisée d’une manière à chérir l’esprit de communion que j’ai tenté de faire nôtre depuis si longtemps. Peindre est super, mais la proximité est quelque chose de complètement différent ; c’est un désir qui transcende qu’importe le masque que tu portes… Et si nous en avons tous un à un certain degré, une collaboration telle que celle que je recherche ne peut tout simplement pas coexister avec un quelconque sentiment de sécurité, en jouant un rôle ou en retenant tout. Ils m’ont offert du champagne, m’ont expliqué les conversations qu’ils ont eues ensemble, ce qu’ils ont réalisé, la volonté d’établir une rupture claire avec peu importe ce qui fut, peu importe ce qu’ils ont été, qu’importe la résistance au changement et aux transformations qu’ils avaient entretenue dans leurs coeurs apeurés… C’est à la suite de ces constats et ces décisions qu’ils ont décidé de faire de nos environnements de vie une réflexion distinctive de leurs avancées, mais de manière plus importante, d’établir un vif rappel de leurs résolutions nouvellement naissantes. Ce qui était le plus poignant pour moi était le fait que pour la toute première fois depuis l’inception de notre groupe, peut-être, nous étions tous dans le moment et pour les bonnes raisons, tous libres des clichés que nous étions devenus à un certain point. C’était des plus rafraîchissant pour moi.

Nous avons terminé la soirée dans le studio, discutant, souhaitant étirer le moment un peu plus, quelque chose dont je ne me souviens pas être arrivé auparavant, du moins pas de cette façon. J’étais encore silencieux et stressé, mais j’étais néanmoins heureux… Et ça, également, c’est une sensation que je ne me souviens pas avoir vécue depuis très très longtemps.